Raphael Ribstein Moreau était l’invité de l’AfterWork RH à Rennes. Suite à son intervention, Raphaël propose un retour de son expérience.
Vers le nouveau monde de la formation professionnelle
J’étais récemment invité pour intervenir dans le cadre du lancement de l’AfterWork RH à Rennes sur le thème « Heureusement, la formation professionnelle va mal ». En plus de la promesse d’un moment convivial d’échange entre professionnels des RH, c’était également pour moi une occasion de rassembler nos idées pour présenter notre exploration de la formation professionnelle de demain. J’ai eu la chance de rencontrer une communauté de professionnels RH concernés par leurs métiers et désireux d’anticiper les changements qui a suivi avec bienveillance et attention la relative impertinence de mon exposé dont j’ai repris ici les principaux passages.
Au départ, une industrie
Rien de bien audacieux à ce constat : surfant sur son amicale relation avec l’Etat depuis plus de 40 années, le marché de la formation professionnelle s’est totalement industrialisé. Pour organiser ce marché, les différents acteurs se sont répartis les rôles institutionnalisant au fur et à mesure un ménage à 3 entre les entreprises, les organismes collecteurs et les organismes de formation. Tout développement industriel s’accompagne d’un « norme-boom », sont apparus les conventions de formation, les fiches de présence, les numéros d’enregistrement, les fiches d’évaluation, le registre des formations, les certificats….
Ce constat fait naître de nombreuses questions sur l’efficacité d’un tel formalisme. La formation professionnelle, notamment courte, est-elle plus efficace désormais ? Le participant peut-il plus facilement la mettre en oeuvre qu’il y a 20 ans ? Au regard des sommes investies, la valeur ajoutée pédagogique de l’investissement est-elle satisfaisante ?
Fiscaliste de haut vol
Au milieu de cette industrie de service, qui peut être comparée au secteur bancaire, qui fait-quoi ?
- L’Etat exerce un pouvoir de contrôle (encadre législativement la collecte)
- L’organisme collecteur réalise un service pour l’Etat et propose des services aux entreprises
- L’Entreprise parvient à financer les formations qu’elle engage en récupérant ses crédits de formation
- L’organisme de formation fournit les contenus attendus par l’Entreprise pour valider les formations qu’il produit ensuite.
Dans ce schéma, le responsable de formation excelle dans son rôle de gestionnaire…de patrimoine. Il a développé depuis des années une très forte technicité administrative pour être en mesure de faire bénéficier à son entreprise des possibilités offertes par cette quasi-niche fiscale (la contribution formation constitue une obligation fiscale en France). De fait aujourd’hui, l’activité du responsable de formation apparaît en grande partie liée à cette gestion administrative de la formation.
La disparition du responsable de formation
A l’échelle d’un monde numérique en construction, on peut se demander si la compétence gestionnaire n’est pas trop « uberisable ». Le responsable de formation doit réinventer son métier pour ne pas être soumis, avant d’en être victime, à une course ou les règles ne jouent pas en sa faveur face à la concurrence 2.0 (sur la rapidité d’exécution et le taux erreur notamment).
La chance pour le responsable de formation, c’est qu’une personne est encore moins bien loti que lui dans le système actuel : le collaborateur
Le participant au formation est le vilain petit canard du monde de la formation. Trop souvent les formations lui sont imposées aussi bien sur le sujet que sur les conditions de réalisations (approche pédagogique, dates et lieux, composition des groupes de formation…).
Sa liberté de choix d’une formation, sa capacité de mise en oeuvre, l’aide qu’il peut recevoir pour sélectionner la formation adaptée sont autant de sujets sur lesquels il navigue seul, bien souvent avec difficulté. C’est exactement là que le responsable de formation doit intervenir.
Créer un portefeuille de client parmi les collaborateurs
Il faut s’inspirer de la culture numérique, et d’un élément central du Lean Startup : sortir de son building/bureau. Un responsable de formation s’occupe de la formation des collaborateurs. Ses clients sont les collaborateurs. Il est donc impératif pour lui de les rencontrer, connaître leur mode d’apprentissage privilégié, découvrir leurs souhaits de formation. Ce n’est pas une obligation, les collaborateurs doivent avoir le choix parmi plusieurs responsables de formation (interne ou externe). Cela passe par du temps, de la disponibilité et des échanges en complément d’éventuels questionnaires, web ou papier. Il faut réellement reconstruire la relation entre le collaborateur et son responsable formation. Cette tâche est centrale et non duplicable.
Expert pédagogique
L’autre partie du temps doit être consacré à la construction d’une grille d’analyse de la dimension pédagogique d’une formation. Il faut aller à la rencontre des formateurs non pas sur un salon en tant qu’acheteur mais dans leurs salles de formations en tant que participant. Ouvrir la porte, comprendre comment sont organisées les formations, qui en sont les formateurs, à quelle personne de son portefeuille client (et pas à quelle fonction) cette formation peut correspondre selon le sujet et le mode d’animation…
Demain, le dernier des budgets
Après avoir constaté que la gestion administrative de la formation était une occupation principale, puis avoir ajouté deux tâches majeurs, une mesure doit équilibrer la nouvelle vie du responsable formation. Pour lancer un nouveau service, la culture numérique incite à se focaliser sur le service apporté à son client. Tous les éléments perturbateurs de cette relation doivent être écartés, au moins au départ. Dans la situation du nouveau responsable formation, c’est l’intégralité de la gestion administrative qui doit être stoppée. Plus de budget de formation, ce n’est pas un budget sous-traité mais un budget auquel on ne touche plus avant qu’il n’existe plus (la baisse des taux de contributions formation). Sans budget à gérer, le responsable de formation retrouve de la disponibilité pour accomplir sa mission.
Anticiper le mouvement législativement annoncé par la dernière réforme avec la notion d’investissement en formation
Responsable de l’attractivité pédagogique d’un employeur
Dès à présent, aucune obligation de dépenser en formation ne pèse légalement sur l’entreprise. L’entreprise choisit d’investir en formation. Pour être certain que cela soit efficace, une seule règle : laisser, ou donner, le pouvoir aux collaborateurs. Les collaborateurs, aidés par leurs responsables de formation, seront les mieux placés pour identifier les besoins. Cela implique qu’il puissent :
- Tout faire, dont définir le budget formation de l’année
- Connaître la stratégie de l’entreprise pour pouvoir faire des choix en toute cohérence
Pour attribuer le budget formation aux collaborateurs, l’entreprise sera incitée à se servir d’un outil très simple : le chèque formation.
Comment vais-je apprendre à vos côtés ?
Par la qualité de conseil en formation dispensé auprès des collaborateurs disposant de leur propre budget, le responsable formation est l’acteur indispensable de l’attractivité pédagogique d’une entreprise, composante de sa marque employeur.
Une entreprise offrant un package incluant un chèque individuel de formation et mettant à disposition des collaborateurs une équipe de responsable formation à leur service renforcera fortement son attractivité.