L'éthique, le nouveau remède des entreprises ?
« L’éthique regroupe un ensemble de principes, de valeurs et de croyances qui dirigent la conduite des individus » Mercier
Dans quel contexte s’inscrit l’éthique en entreprise?
Les entreprises s’intéressent à l’éthique avec un intérêt particulier depuis quelques années. Les évolutions de l’environnement économique et social les poussent à questionner leurs valeurs, voir à s’en forger. Plus récemment, le législateur a pris part aussi au débat en imposant aux entreprises plus de transparence sur leurs pratiques et la mise en place de dispositifs concrets de lutte contre la corruption au travers de la loi Sapin II.Il suffit d’une recherche web sur les valeurs en entreprise, pour constater qu’une mauvaise habitude s’installe. Les valeurs servent au plaisir d’être ensemble et de collaborer, là où elles devraient servir à développer « les qualités que l’on souhaite à l’Homme dans le domaine moral, intellectuel et professionnel » (dictionnaire de la langue française de Paul Robert).
La création de valeurs semble se résumer à l’attraction et la fidélisation des talents. Et ceci semble porter ses fruits ! Par exemple, les valeurs de l’entreprise Google la rende très attractive mais celle-ci s’est excusée publiquement d’avoir dissimulé des cas de harcèlement sexuel au travail. Google promet néanmoins des changements, mais de quels changements s’agit-t-il ? Quelles sont les marges d’amélioration des entreprises comme Google ?
Le développement de l’éthique, au sein de l’entreprise, intervient aussi dans un contexte où les organisations en pleine transformation exposent les collaborateurs à de nouveaux risques psychosociaux, tel que le surmenage, voire l’épuisement physique et psychologique au travail (burn out). Un salarié sur quatre dans l’Union Européenne est touché par ces risques et 20% d’entre eux ont la santé dégradée par le stress entraînant d’autres problématiques comme la consommation excessive de médicaments et d’alcool allant jusqu’à impacter négativement leur entourage. Le coût financier pour la société s’élève à 200 milliards de dollars par an aux Etats-Unis, 20 milliards d’euros par an en Europe (Rapport de l’agence européenne). Pour les entreprises, c’est une augmentation de l’absentéisme avec 17,2 jours de travail par an perdus par personne en France (dixième baromètre du groupe de conseil Ayming). Ces éléments combinés peuvent servir d’indicateurs pour mesurer les liens de cause à effet entre la performance, l’engagement, la motivation, les relations au travail et la réputation de l’entreprise.
Depuis quand l’éthique se développe dans nos sociétés ?
L’éthique nous vient de la justice, des philosophes de la Grèce antiques et des religions. Elle insère un principe d’humanité qui se développe depuis des milliers d’années dans nos sociétés.
« L’éthique, loin d’être un effet de mode, prend ses racines aux origines du monde. De l’Antiquité jusqu’à nos jours, l’éthique a toujours entretenu des relations inégales avec l’activité économique qu’elle se réalise grâce à l’esclavage, au servage ou dans le cadre des corporations, des manufactures royales et finalement des entreprises » Management & Avenir de Françoise de Bry
Dans l’entreprise, elle a évolué sous diverses formes : Le paternalisme qui débute dans les années 1850, l’Etat-providence à partir de 1936, l’entreprise citoyenne des années 80 et enfin l’entreprise éthique du 21ème siècle.
Comment se décline l’éthique en entreprise ?
Dirigeants, managers et professionnels des ressources humaines peuvent jouer un rôle fondamental dans le développement de l’éthique en entreprise : d’une part, au niveau individuel par la recherche du bien-être et du meilleur respect possible des collaborateurs. D’autre part, au niveau organisationnel avec le respect des valeurs liées à la responsabilité sociale de l’entreprise. « 75% des collaborateurs ne quittent pas leur emploi, ils quittent leur chef » (OfficeVibe)
L’éthique des affaires propose quelques valeurs fondamentales comme la justice, la responsabilité sociale, l’exemplarité, la confiance mutuelle et le respect des autres. Sous prétexte de faire des bénéfices, l’entreprise ne doit pas produire dans n’importe quelles conditions.
Comment l’éthique s’insère dans les pratiques managériales ?
Le leadership éthique est actuellement sur toutes les lèvres. Il est présenté comme le remède pour résoudre les problématiques humaines des temps modernes, quel que soit le pays. L’important n’est pas tellement de savoir ce qui rend théoriquement éthique une forme de leadership, mais comment l’éthique s’insère concrètement dans les pratiques de management.
L’@AfterworkRH a rencontré @Céline JULLIEN, Office Manager chez @Modul-Bio en charge du recrutement, de l’intégration et du suivi des collaborateurs/trices. Cette PME met naturellement en place une culture collaborative, qui participe au mouvement de l’éthique en entreprise.
« Comment être écouté par ses collaborateurs/trices si on ne les écoute pas ? »
70% du niveau d’engagement des salariés dépend de la façon dont les collaborateurs/trices interagissent avec leur manager (selon Corporate Leadership CouncilTM). Pour Céline, l’exemplarité est primordiale. Elle entretient une communication interne active, qui laisse place à l’échange et à l’expression de soi. Par un management de proximité, elle propose un discours clair et décline les actions en présentiel. Finalement, chacun avance vers un but commun dans l’entreprise, avec pourtant des fonctions différentes.
« Laisser penser à quelqu’un qu’il est un « numéro de dossier » peut donner l’impression d’être interchangeable voir remplaçable »
Au-delà de la productivité, c’est l’identité sociale de la personne qui peut être touchée. Être socialement responsable, c’est prendre soin de l’image qu’ont les collaborateurs/trices d’eux/d’elles-mêmes. Être socialement responsable, c’est aussi prendre en compte l’équilibre et la complémentarité entre vie professionnelle et vie personnelle. Pourtant, certains managers, parce qu’ils sont sollicités hors des heures de travail par leur hiérarchie, font de même, en sollicitant à leur tour leurs collaborateurs, ce qui peut vite être associé à de la maltraitance professionnelle. Pour instaurer une confiance mutuelle, il faut assurer une certaine transparence : Céline propose d’insérer réellement l’employé(e) dans la stratégie d’entreprise.
« Si un collaborateur/trice sait pourquoi il/elle applique les directives, si il/elle sait où il/elle va, alors il/elle sera impliqué(e) naturellement »
Être transparent ne veut pas dire tout communiquer : Il faut être vigilant, anticiper pour éviter les bruits de couloirs et montrer des actions concrètes pour que la confiance s’installe. Se rendre disponible quand c’est légitime, gérer des conflits lorsque le mal-être s’installe au sein des collaborateurs. Être juste, n’est-ce pas tout simplement « Ne pas faire aux autres ce que nous n’aimerions pas que l’on nous fasse » ?
Céline nous redirige vers un article publié par @MyHappyJob, qui explique l’assertivité avec @Severine Daniel « Etre assertif, c’est avoir la capacité d’exprimer ses émotions, ses besoins ou ses droits de façon claire, mais tout en respectant ceux des autres. Ce mode de communication permet d’améliorer la qualité des relations. Il évite les malentendus, les non-dits, les fausses croyances et met le doigt sur les problèmes ou les désaccords plutôt que de les étouffer. C’est win-win pour toutes les parties prenantes, managers et collaborateurs. »
Comment l’éthique s’insère au niveau organisationnel ?
Nous avons interviewé Frédéric, Audit Manager d’un laboratoire pharmaceutique couvrant un périmètre de 40 pays. Une bonne opportunité pour nous de calibrer l’éthique au travers des continents et des cultures et ainsi rendre compte de l’application organisationnelle de l’éthique en entreprise.
« Le point de départ de l’éthique c’est la confiance ».
Frédéric a en charge d’appliquer le plan d’évaluation des dispositifs mis en œuvre conformément à la charte d’éthique de son entreprise, un document élaboré en interne par des professionnels issus majoritairement du droit et sponsorisé par son dirigeant. Ces évaluations permettent de mettre en lumière tout dysfonctionnement en matière d’éthique ou manquement au niveau de la rigueur, l’intégrité, la responsabilité ou la citoyenneté, pouvant nuire à l’atteinte des objectifs de l’organisation.
« Faire preuve de discernement, adopter les comportements appropriés et attendus sont les principes de base de l’application de la charte éthique à tous les niveaux de l’organisation »
Frédéric nous explique que le déploiement et la promotion de cette charte sont autant d’opportunité de fédérer l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise dans 40 pays. L’objectif est de rappeler à tous les comportements appropriés, socialement responsables et attendus par l’entreprise dans le respect de ses valeurs. Ces comportements sont illustrés par des exemples concrets dans des situations diverses et variées relatives aux principaux métiers de l’entreprise. Cette charte s’applique à tous les collaborateurs de l’entreprise de tous les pays, dans le respect des normes internationales, des législations et des règles locales sans s’y substituer, mais aussi à l’ensemble des parties prenantes externes.
« A la recherche permanente d’un contrat gagnant-gagnant »
La charte se doit d’être évolutive, tout comme l’entreprise dans un écosystème permanent de compétition internationale. La qualité de vie, les conditions d’hygiène et de sécurité des collaborateurs sont le socle de toute politique RSE visant à contribuer à la pérennité de l’entreprise. « En cas d’échec d’une entreprise, tout le monde est perdant« .
L’éthique se développe, en premier lieu, pour les collaborateurs de l’entreprise qui aspirent ensuite à des partenaires engagés pour le respect des droits de l’Homme et des conditions de travail de leurs collaborateurs. L’adoption de la charte éthique est un rempart aux dérives de la sous-traitance, comme le travail infantile ou l’exploitation. Même si la confiance fait partie des fondations sur lesquelles repose l’éthique, évaluer régulièrement les dispositifs de contrôle permet d’adresser des recommandations pour combler les manquements relevés, voire remettre en cause la relation commerciale. La société évolue et ses exigences en matière d’éthique aussi créant ainsi de nouvelles attentes. « On le voit au quotidien avec les représentants politiques ou de l’autorité en général autour de nous. La société n’accepte plus le manque d’exemplarité de ceux qui gouvernent et réclame toujours plus de transparence sur leurs actions. Aller à l’encontre de ces attentes de la société, expose aujourd’hui tous les Dirigeants, qu’ils soient dans les instances politiques ou dans l’entreprise. Chacun doit viser un niveau de tolérance 0 sur le non-respect des principes éthiques ».
« Le risque 0 n’existe pas, l’être humain un jour ou l’autre peut dériver, personne ne peut garantir une exemplarité à 100% ».
Tout en respectant la vie privée des collaborateurs et la confidentialité des données personnelles détenues par l’entreprise, l’audit de l’éthique dans l’entreprise permet de signaler certains écarts par rapport à la charte. Des investigations internes peuvent être proposées par l’entreprise et, selon la gravité des faits, celle-ci peut en référer aux autorités compétentes. « Un concentré de bon sens, poser des mots sur des situations avec des définitions et des exemples compréhensibles par le plus grand nombre ». Pour chacun, l’éthique personnelle trouve ses racines dans l’éducation, ses valeurs et ses croyances et son expression trouvera un cadre d’application dans l’entreprise au travers de la charte éthique.
Comment développer l’éthique dans son propre environnement?
Le premier pas à faire pour développer l’éthique dans son environnement serait d’avoir un comportement exemplaire et de se comporter avec les autres comme on aimerait que l’on se comporte avec nous. Les idées que l’on peut se faire d’un individu avec nos croyances, notre culture et nos expériences peuvent parfois n’être qu’une pièce du puzzle qu’est la réalité objective. Les psychologues définissent l’intelligence comme la capacité à s’adapter, et la bonne santé comme la capacité à transformer son environnement. Réussir à percevoir l’autre comme un être humain (avant tout) est primordial pour développer une éthique personnelle.
Alors même si Carl Rogers nous dit :
« La compréhension comporte un risque. Si je me permets de comprendre vraiment une autre personne, il se pourrait que cette compréhension me fasse changer. Or, nous avons peur du changement ».
L’ouverture aux autres et l’adaptation de nos comportements devraient permettre un mieux-être collectif que nos sociétés s’efforcent d’atteindre depuis des milliers d’années.